« La médecine traditionnelle est une pratique aussi vieille que l’humanité et aussi ancienne que la douleur. Elle s’est cristallisée à travers les âges. Elle peut être définie comme l’art de délivrer d’une maladie. Un art qui s’appuie sur aussi bien les connaissances que les savoirs pour ramener l’équilibre de l’individu ou du patient. Ceci est très important et cela va en contradiction avec la définition de la santé de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui définit la santé comme un état de bien-être.
Pour l’Afrique, la santé est un équilibre entre les contraires. Pour vivre en bonne santé, il faut savoir rire, il faut savoir pleurer, il faut savoir manger… Cet équilibre va plus loin dans le concept de l’homme. L’homme est un tout qui va jusqu’à l’infini lorsqu’on le réduit à sa simple expression on a cinq éléments : le physique, le psychique, le moral, l’âme et l’esprit. Dans la définition de la santé africaine c’est un équilibre qualitatif, proportionnel et quantitatif entre les différents éléments constitutifs de l’homme.
Il est préférable de parler de médecine africaine tout comme la médecine chinoise ou tibétaine. L’expression traditionnelle a une connotation dégradante et archaïque sans base scientifique. Elle est plus vieille que la médecine moderne qui date du XVIIe siècle. »
La complémentarité entre médecine traditionnelle et médecine moderne
« J’aime bien parler de complémentarité parce que ce sont deux médecines qui ont des logiques différentes, des bases différentes, des rationalités différentes et même des vérités différentes. Maintenant, il est évident que ce système cartésien qui est à la base de la médecine conventionnelle est étroit. Aucun laboratoire au monde ne peut faire la différence entre un organe prélevé sur le vivant et un organe prélevé sur le cadavre parce que la seule différence est l’énergie.
Aucun laboratoire ne peut mesurer l’émotion, l’intuition, l’amour. Toutes ces valeurs font de l’homme ce qu’il est. Cette médecine est exclusive pour régler les problèmes de santé de l’homme. Elle reste néanmoins très importante parce qu’au niveau physique qui fait partie de l’homme, il y a eu des succès notamment chirurgicaux.
Cette médecine moderne a une logique plus pécuniaire qu’humaine
Je pense que la complémentarité doit se faire dans le respect mutuel. Il ne faut pas dire que l’une a une base scientifique et que l’autre est archaïque. Au-delà du système cartésien, le modernisme est un frein au niveau sanitaire et écologique.
Cette médecine moderne a une logique plus pécuniaire qu’humaine. Une médecine quelle qu’elle soit, s’intègre dans la foi et dans la croyance de la personne, dans ses attitudes, ses pratiques et ses visions car la médecine c’est aussi la base de tous les dogmes. Au Sénégal, il n’y a pas de lois sur la médecine locale, il n’y a pas de textes administratifs qui réglementent cette médecine donc la médecine conventionnelle gère la quasi-totalité de notre système de santé. Il sera difficile de développer notre système de santé sans l’implication de la médecine locale.
Nous avons mis en place en 1986 à Malango un centre de santé spécialisé dans la médecine africaine. A ce jour nous avons 65% de guérison totale et 25% d’amélioration quantifiable. Nous recevons tous types de malades qui arrivent souvent en brancard. Il y a là une véritable nécessité de légaliser la médecine africaine. Les produits de la médecine traditionnelle demeurent la principale source de soins de santé pour la grande majorité de la population, même l’Organisation ouest-africaine de la santé (OOAS) ou le Centre africain de contrôle et de prévention des maladies (CDC) ne prennent pas en compte cette médecine. »
La médecine traditionnelle dans le traitement des maladies mentales en Afrique
« Le psychique est moins considéré dans la médecine conventionnelle. Elle a des limites quant aux maladies psychiques ou psychosomatiques. Les moyens thérapeutiques utilisés en médecine moderne sont essentiellement des comprimés ou on préfère construire des asiles pour ces malades. La médecine moderne a connu une amélioration dans l’aspect physique de l’homme et les parties qui font de l’homme ce qu’il est ( le psychique, le moral, l’âme et l’esprit) sont moins exploités. En cas de ce genre de maladies en Afrique, la médecine traditionnelle est le principal recours.
Il y a une pratique de guérison des maladies appelée le ndeup (cérémonie sénégalaise). C’est une cérémonie traditionnelle lébou (ethnie sénégalaise) qui protège contre les esprits maléfiques. Nous l’avons exporté il y a de cela quelques années aux États-Unis où nous avons guéri près de 200 personnes atteintes de troubles mentaux. La médecine traditionnelle ne peut pas tout faire et mieux elle ne doit pas tout faire. »
Les stratégies de l’OMS et des organisations régionales africaines pour la valorisation de la médecine traditionnelle
« Le problème de l’Afrique c’est l’aliénation. Depuis près de 20 ans, on célèbre la journée africaine de la médecine traditionnelle en Août. La médecine traditionnelle ne figure pas dans les Programmes de formation en science de la santé dans les universités africaines. Dans les politiques de renforcement des systèmes de santé on pense beaucoup plus à la mise en place d’infrastructures modernes, d’équipements onéreux, et des technologies de la santé adéquates mais pas assez au rôle que pourrait jouer la médecine africaine.
La médecine traditionnelle ne figure pas dans les Programmes de formation en science de la santé dans les universités africaines
Malgré que cette médecine ait prouvé son efficacité contre diverses maladies, elle est loin d’être appréciée à sa juste valeur. Il est difficile de mener des campagnes de plaidoyer contre les grandes industries pharmaceutiques qui voient la médecine traditionnelle comme une menace. Il y a de cela 20 ans, les Nations Unies avaient confié un travail à Prometra sur comment introduire la médecine traditionnelle dans les systèmes de santé aux Tiers-Monde dans le cadre de la coopération sud-sud. Nous avons mené un travail remarquable et très bien documenté. C’est pourquoi nous avons construit un centre de santé pour valoriser la médecine traditionnelle et tous nos produits sont à base de plantes. Chaque année nous avons un rapport car nous sommes une organisation internationale qui a un accord de siège avec le gouvernement du Sénégal. C’est aux États de prendre des mesures idoines car c’est eux les décideurs. »
Le bilan en termes de résultats de Prometra depuis sa création en 1971
« Nous sommes une organisation internationale dédiée à la préservation et à la restauration de la médecine traditionnelle africaine. Nous avons des représentations dans 26 pays dans le monde dont 20 pays en Afrique. Nous travaillons avec des guérisseurs. Nous avons un Centre de médecine traditionnelle expérimentale (Cemetra) situé à Fatick où toutes les études sont réalisées sous la supervision d’un comité consultatif scientifique et juridique international composé de scientifiques internationaux, d’académiciens. avocats, patients et tradipraticiens.
Le Cemetra dispose du quatrième laboratoire le mieux équipé de la République du Sénégal. Nous avons un Centre spécialisé dans la médecine traditionnelle, à ce jour nous avons 65% de guérison totale et 25% d’amélioration quantifiable. Nous traitons souvent des cas les plus extrêmes et heureusement nous n’avons pas enregistré de décès.
Il est difficile de mener des campagnes de plaidoyer contre les grandes industries pharmaceutiques qui voient la médecine traditionnelle comme une menace
Depuis 1996, Prometra est membre du comité interministériel chargé d’introduire des lois réglementées à la médecine traditionnelle au Sénégal. Nous organisons des formations et séminaires dans lesquels des étudiants en médecine de plusieurs pays d’Europe et d’Amérique viennent participer. Nous disposons d’une radio communautaire, Metraf FM, qui a une zone de diffusion dans la région de Dakar. Prometra International mène des recherches scientifiques, accueille des conférences internationales et des échanges culturels, publie une revue trimestrielle bilingue intitulée Médecine Verte et coordonne un réseau mondial d’organisations promouvant la médecine et la culture traditionnelles africaines.
Prometra International s’associe à des institutions académiques à travers l’Afrique, les États-Unis, les Caraïbes, la Polynésie et l’Europe et a un protocole d’accord officiel pour l’éducation et la recherche avec la Morehouse School of Medicine aux États-Unis et l’Université médicale d’Afrique du Sud (Medusa). »